FÉRICY

INTERVIEW DE DANIEL AIMAR, MAIRE

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De conseiller municipal à Maire - Une volonté : préserver la qualité du bâti et de l'environnement 

Quel cheminement pour en arriver à ces questions actuelles ?

Je suis arrivé dans ce village au début des années 80. À l’époque un projet de lotissement dans la plaine commençait à s’élaborer, avec plus de vingt maisons, en bordure d’une route extérieure au centre-bourg. Lorsqu’on regarde le plan du village on peut voir tout de suite l’intérêt de positionner un lotissement à cet endroit. Il y avait non seulement un pré en friche mais aussi de grands fonds de jardins, lié au fait que les propriétés sont très longues dans cette partie du village. Une association s’est montée, l’APEF (Association de protection de l’environnement de Féricy). Il y avait à cette époque, beaucoup de résidences secondaires appartenant à des parisiens aisés et éclairés. Ils étaient sensibles à la qualité du bâti et de l’environnement paysager du village. Ils étaient venus à la campagne pour le cadre de caractère et ne souhaitaient pas que celui-ci se banalise et s’enlaidisse par un apport massif de constructions neuves et standardisées. Avec d’autres habitants de même sensibilité j’ai adhéré à cette association. Petit à petit, un, puis deux, puis trois se sont retrouvés conseillers municipaux. Après avoir été conseiller municipal pendant sept ans je suis devenu maire en 2008. Auparavant je m’étais investi dans différentes initiatives, liées à l’animation ou l’environnement. Nous nous sommes toujours intéressés à la vie du village, à sa préservation, son devenir ainsi qu’à l’urbanisme. Au final, ce projet de lotissement a été bloqué. Certains propriétaires ne souhaitant pas ce projet ou ne voulant plus céder leur fond de jardin, ont rendu le projet non viable. D’autant plus, qu’entre-temps, des habitants ont été convaincus qu’il fallait empêcher le projet. Par la suite, pour supprimer cette menace le Conseil municipal, lors de l’élaboration du POS (Plan d’occupation des sols), a fait en sorte que ces terrains ne puissent plus être urbanisés. Les requalifiant en zone N (naturelle) et A (agricole). Le propriétaire du plus grand terrain, à l’origine du projet, a perdu le procès intenté à la commune où il dénonçait le POS. 

 

Comment éviter la consommation de terres agricoles ?

Ma liste a été élue en 2008, avec plusieurs membres issus de l’APEF, dont Dominique Dollé qui a en charge l’urbanisme et qui s’est beaucoup investi dans le précédent POS, puis dans le PLU. Notre réflexion a porté sur le maintien du caractère rural du village, avec un gros effort sur les constructions neuves : garder la pente de toit, les tuiles plates, les ouvertures plus hautes que larges, les bandeaux briards autour des fenêtres, la division des façades, l’implantation par rapport à la rue, etc. Des caractéristiques qui permettent de faire le lien entre patrimoine ancien et nouvelles constructions. Dans mon deuxième mandat nous nous sommes vraiment investis dans le PLU et questionnés sur l’avenir du village : faut-il l’agrandir comme ceux autour, et si oui comment. Nous avons travaillé sur les « dents creuses », terrains intersticiels. Là, nous nous sommes rendu compte que le potentiel de densification permettait de répondre largement au potentiel de croissance accordé dans le SDRIF (Schéma Directeur de la Région Ile-de-France). Nous nous sommes dit que c’était déjà un gros travail, surtout si on y ajoutait le potentiel de division des grandes propriétés. Je prends un exemple en cœur de village : là où il y avait une famille il y a aujourd’hui huit foyers et deux terrains encore constructibles ; la maison principale a été divisée en quatre logements, et en morcelant la propriété une autre maison a été vendue. Une petite grange a été aménagée en logement et un terrain a été construit.

Depuis cette première période tout a changé : un grand nombre de résidences secondaires a été revendu suite à des successions, occupées aujourd’hui, au titre de résidences principales, par des familles.

 

Quel potentiel de densification dans les zones déjà bâties ? 
Et quel devenir pour les corps de ferme ?

Nous avons travaillé sur le PLU avec un bureau d’études très compétent et comprenant bien notre démarche, le CDHU. C’est avec eux que nous avons fait l’évaluation de ce potentiel. Il a été réalisé sur plan pour tout ce qui était évident. Pour tout ce qui posait question nous sommes allés à pied dans le village regarder chaque propriété, chaque maison. Nous souhaitions anticiper le problème du devenir des corps de ferme. Les propriétaires étant âgés nous voulions que, suite aux successions à venir, ces fermes soient aménagées dans le respect du cadre environnant avec un impact modéré sur la vie du village.
Pour chaque corps de ferme nous avons mis des règlements particuliers, sur les stationnements, sur les activités, sur la transformation en logements, sur la destination des locaux, etc. C’est une partie de l’étude qui a inquiété certains agriculteurs. Ne comprenant pas l’intérêt de notre démarche et ayant peur d’une ingérence trop limitative sur le devenir de leur patrimoine. Étant associés à la démarche et la comprenant, finalement tout s’est bien passé. Il ne reste que trois fermes en activité, deux en limite de la zone urbanisée, sans problèmes majeurs pour la circulation d’engins agricoles, et une troisième totalement isolée dans la plaine. L’activité de ces trois fermes semble pérenne, celle-ci pouvant se faire dans l’avenir sous une autre forme que l’exploitation familiale traditionnelle. L’agriculture à Féricy est de type intensive et conventionnelle : céréales, oléagineux, maïs, betteraves, etc. 

Pour freiner les ardeurs, les envies de découpage foncier des terres agricoles, nous nous limitons aux règles d’urbanisme imposées. C’est-à-dire le pourcentage de consommation de terres agricoles accordée dans le SDRIF. Nous avons voté également une mesure fiscale, une taxe sur la plus-value réalisée lors de la vente de terrains agricoles devenant constructibles. Taxe que les communes peuvent voter sur tout changement de destination d’un terrain agricole occasionnant une plus-value.

 

Quels choix en matière de développement ?

Avec le conseil municipal, ma responsabilité est d’orienter le développement de la commune, sachant que plus nous avons d’habitants plus nous avons de Dotation Globale de Fonctionnement (DGF). Pourquoi s’agrandir ? Il faut être attentif à ne pas en faire un but en soi, une espèce de gloriole à vouloir être plus grand, se conformer à des slogans du type « nous allons ouvrir une classe », « mon village croît, donc il est vivant », etc. Si je prends le thème de l’ouverture de classe : pourquoi en créer une qui dans 10 ans devra être fermée, à moins de reproduire le même enchaînement : lotissement nouveau – besoin de classe supplémentaire – baisse progressive du nombre d’élèves – lotissement nouveau – etc. Fuite en avant pour montrer un dynamisme artificiel. Ici nous nous sommes posé la question au moment du PLU : qu’est ce qui justifierait à Féricy que l’on augmente la population ? Nous n’avons pas trouvé de réponse satisfaisante. Bien sûr, il faut garder un certain montant de DGF, sachant que celle-ci baisse inexorablement. À Féricy nous en avons perdu 47 % depuis 2013. Or, c’est une part importante du budget global. Nous n’avons pas d’industrie, pas de zones d’activité, pas de pylône à Haute Tension, pas de linéaire d’autoroute, pas de gare de péage, pas de puits de pétrole, etc., tous types d’équipement générant des rentes pérennes. Donc, à cette question de la nécessité d’agrandissement, nous n’avons pas trouvé de réponse, hormis créer des problèmes supplémentaires, comme agrandir l’école, les réseaux, etc.

 

Pourquoi vient-on s’installer à Féricy ?

La réponse est le cadre de vie, l’authenticité et d’une certaine manière l’esprit qui y règne. C’est un village rural mais pas un village dortoir. À proximité de centres urbains plus importants, Fontainebleau, Melun, Montereau.

Nous ne sommes pas dans une « mandature-trottoir », où l’accent est mis sur les travaux de voiries et de préférence un ou deux ans avant les élections. C’est vrai que cela marque énormément les habitants et qu’inversement certains investissements passent inaperçus si l’on ne fait pas des efforts de communication. Un exemple : nous avons construit un nouvel atelier municipal remplaçant l’ancien qui était exigu et en très mauvais état : les engins étaient dehors, l’alimentation électrique risquait de mettre le feu à tout moment, le cadre de travail et de base-vie des employés techniques, déplorable. Ce nouvel atelier, parfaitement aux normes, vaste, fonctionnel permet d’abriter tout notre matériel. Nous avons eu très peu de retour sur cet ouvrage et plutôt des critiques : « c’est beaucoup trop grand pour Féricy, à quoi ça sert ? » Etc. Nous avons organisé des portes ouvertes. Les visiteurs se sont rendu compte que le travail en était facilité, que les locaux étaient déjà remplis de matériel, donc sans surfaces inutiles, que cette réalisation n’avait pas endetté la commune : nous avons revendu l’ancienne propriété et avons obtenu une subvention conséquente de l‘État (DETR, Dotation d’équipement des territoires ruraux).

Par contre nous venons de réaliser des travaux de voirie avec réfection de trottoirs qui ont suscité de très nombreux retours positifs immédiats. Voilà malheureusement, souvent la perception des choses par l’habitant.

 

Et l’objectif « d’authenticité » ?

Il y a toutes sortes de choix, de décisions qui peuvent s’y rattacher. Un exemple de refus de banalisation de l’espace public : nous avons décliné une proposition de panneaux lumineux d’information municipale, panneaux que l’on trouve aujourd’hui dans la plupart des villes et villages. Cette décision a été prise en Conseil municipal à l’unanimité.

Nous pensons que ce type de panneau, qui pour certains est signe de modernité, constitue une pollution visuelle, un écran de plus bombardant des informations et captant l’attention des passants et automobilistes malgré eux. Toute l’info qu’on y trouve peut être diffusée autrement. Nous avons opté pour une application gratuite téléchargeable sur téléphone mobile, qui s’appelle Panneau-Pocket, par ceux qui le désirent uniquement : « Je veux avoir des infos sur ma commune, je m’abonne ». Notre secrétaire de mairie est chargée de mettre à jour l’info sur cette appli. C’est très simple, un concert, une rue barrée, des travaux, une alerte météo, des infos pour l’école, etc. C’est beaucoup plus économique pour la commune que les panneaux lumineux car pas besoin de branchement électrique dédié, pas d’abonnement vers le serveur et le service de maintenance, pas d’investissement coûteux, 25 000 euros environ, pas de consommation électrique allant à l’encontre des économies d’énergie que nous avons le devoir de réaliser… Panneau-pocket nous coûte 120 euros par an.

 

Et par rapport au risque du village-dortoir ?

Les emplois sont très majoritairement extérieurs a la commune, mais ont tendance à se relocaliser avec le travail à la maison. Nous attendons tous impatiemment l’arrivée de la fibre annoncée fin 2019 représentant une piste de développement éventuel d’une propriété municipale, le château, avec des espaces de coworking, des salles de séminaire d’entreprises à la campagne, complétée par une offre d’hébergement touristique. Nous n’en sommes qu’au début de la réflexion. Nous accélérons le processus car nous sommes maintenant à un an de la fin du mandat. Nous voudrions au moins que les études soient réalisées. Ce projet rentre en résonance avec une étude menée à l’échelle de la Communauté de Communes par les services du Département, pointant un sous-équipement en hôtellerie et hébergement touristique ainsi que les services. C’est donc un axe de développement.

Autre signe qui montre clairement que nous ne sommes pas dans une commune dortoir : la mobilisation de la population pour les actions bénévoles. A minima 30 à 40 personnes peuvent répondre à un appel à bénévoles, que ce soit pour un nettoyage de printemps, pour un travail dans le domaine municipal, le château, ou pour préparer une manifestation comme la fête du cheval de trait ou la fête de la pomme par exemple.

Une étude commanditée par l’Association des maires ruraux a attiré mon attention il y a quelques années, elle faisait apparaître que 25 % de la population rurale se renouvellait tous les 5 ans. J’ai fait faire le calcul pour notre village et à mon grand étonnement on retrouve exactement ce résultat à Féricy. Nous constatons une forte rotation des propriétés, les ventes se faisant rapidement si elles sont au prix du marché. Les arrivants, de plus en plus de jeunes ménages, viennent souvent de Paris ou de la proche banlieue. Un facteur d’attractivité serait d’avoir une école performante, où l’on propose des services périscolaires et culturels variés et motivants. Cela peut compenser d’autres manques : l’absence de commerces ou de gares par exemple. L’école étant un puissant facteur de lien social. D’autre part, nous nous impliquons beaucoup dans les animations, très nombreuses, pour un village de 600 habitants : concerts et ateliers avec l’association des Concerts de Poche (dont le siège se trouve à Féricy), Scènes rurales, Nuit du conte, fête du cheval de trait et de l’âne, fête de la pomme, expo photos, signature de livres, etc. Il est important à nos yeux que le village rayonne sur l’extérieur. Nous venons de restaurer une ancienne grange, ce bâtiment sera dédié principalement à la culture avec une partie médiathèque,  il recevra de nombreux événements et animations autour du développement personnel, de la musique, de l’art, du partage d’expérience, de découverte de la nature et d’ouverture sur le monde.

 

Quels projets en matière de commerces ? De déplacements ?

Nous sommes à 5 mn de Vulaines-sur-Seine et à 10 mn du Châtelet-en-Brie où se trouvent des grandes surfaces d’alimentation. Nous sommes à 20 minutes de Montereau et de sa grande zone commerciale avec un complexe de cinémas. Nous sommes proches de Melun et de Fontainebleau. Il nous apparaît illusoire de penser que l’implantation d’un commerce dans notre village puisse être viable et pérenne.  En revanche, nous avons implanté une AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) et organisé un dépôt de pain bio d’un artisan local à la mairie. Nous favorisons les stationnements de camions alimentaires : poissonnier, boucher, charcutier, pizza, burger, même si pour eux il est difficile de fidéliser une clientèle et d’avoir une activité pérenne. Les habitants font souvent leurs courses sur le trajet travail-domicile, la majorité d’entre eux travaillant à l’extérieur de la commune.

La Communauté de communes et le Département sont en train d’étudier un service de transport à la demande pour desservir les gares proches, les lignes de bus.

 

Qui vient s’installer à Féricy ?

Les nouveaux arrivants se situent dans des catégories socioprofessionnelles assez élevées : cadres salariés, professions libérales, quelques auto-entrepreneurs. Certains ont été attirés par notre site internet car ce qui y était dit et montré leur a donné envie de venir voir.

Nous avons réservé dans le PLU un terrain municipal pour des projets d’urbanisation qui restent à inventer, y compris au niveau sociologique. Nous devons lancer quelque chose avant la fin du mandat. Nous avons soumis ce désir aux étudiants en architecture de l’école de Marne-la-Vallée, venus récemment avec un encadrement du CAUE77 (1). Le regard de jeunes professionnels est toujours utile et nous a apporté de nombreuses idées pour poursuivre un développement raisonné sur le long terme.

Dans l’état actuel de mes réflexions je ne me représenterai pas aux prochaines élections mais je suis persuadé que des suites seront données à tout ce travail. 

 

 

 

 

 

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DOCUMENTS À TÉLÉCHARGER

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INFORMATIONS

#Témoignages de maire

Les maires mettent en place, animent des politiques souvent concernées par les missions de conseil du CAUE77 : accueil de nouveaux habitants, équipements, animation culturelle, urbanisme, valorisation des filières agricoles, etc. Le CAUE77 a interrogé deux maires de petites communes rurales. À travers leurs réponses apparaît toute la diversité des paramètres qui fondent ces politiques. Leurs points communs : un territoire parfaitement connu, des habitants toujours présents à l’esprit, une recherche permanente d’idées nouvelles malgré les contraintes. Une performance quotidienne.

 

Interview réalisée par Bertrand Deladerrière en octobre 2018 

Publiée dans La Lettre du CAUE77 - N°11 - Mars 2019 

 

>  Regards d'architectes en devenir à Féricy : Atelier de terrain des étudiants de 2eme année de l'Ecole d'Architecture de la Ville et des Territoires à Marne-la-Vallée (EAv&t) -  Sur proposition du CAUE 77 

 

Vidéo du CAUE 77 - Dailymotion

 

 

 

 Article extrait de la Lettre N°11 - Mars 2019 

 

 

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Conception graphique et réalisation de la version papier : Juliette Tixador  juliettetixador@free.fr

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