CHANTIER DU GRAND PARIS

« DU GRAND PARIS À PARIS EN GRAND »

Regard sur le compte rendu sur le rapport de la mission confiée par M. le Président de la République à M. Roland Castro

"Plus de la moitié de ceux qui vivent et travaillent en région parisienne songent et rêvent d’en partir."

Le projet du Grand Paris peut être regardé comme « le » grand chantier en cours. Il est la promesse de chantiers liés aux nouvelles lignes de métro, aux gares, aux quartiers transformés aux abords. Ce projet voudrait être encore davantage et les visions s’ajoutent les unes aux autres. Les dernières sont contenues dans le rapport rédigé par l’architecte Roland Castro à la demande du Président de la République.

Un rapport qui suscite la curiosité parce que la réflexion est ancienne, complexe, et que les idées radicalement nouvelles sont plutôt rares. L’auteur et son commanditaire ajoutent à l’intérêt. Il est rapide et facile à lire (*), très peu illustré. Il est favorable aux débats par ses jugements définitifs.

Quelques citations peuvent donner un aperçu de la philosophie générale et de ce qui la fonde, un constat d’échec : « Le constat qui m’a traumatisé et a guidé ma réflexion est le suivant : plus de la moitié de ceux qui vivent et travaillent en région parisienne songent et rêvent d’en partir. »

 

Pourquoi un échec ?

« Sur cet espace, capital à tous égards, il n’y a rien eu de pensé de sérieux depuis le front populaire. »

 

La faute à qui ?

Tout le monde, les intellectuels par exemple à qui est reproché la cécité : « Les intellectuels n’ont rien dit : la construction de la cité des 4000 à la Courneuve en 1956 s’est déroulée à 8 km du Café de Flore et Sartre n’a rien dit (…). Son silence et celui d’autres intellectuels comme Albert Camus c’est le silence de la pensée sur le visible.»

Les architectes qui ont conçu ces projets sont évidemment les plus responsables, Le Corbusier et tous ceux qui se revendiquaient du mouvement moderne : « Depuis les années 1960 cette pensée a créé une ville uniforme, homogène, répétitive, monofonctionnelle, pseudo égalitaire, enclavée et sans aménité, ce qui l’a fait apparaître laide. »

 

La solution ?  Le beau

Le beau, objet d’un chapitre « A la recherche du beau ». Il est revendiqué comme alternative au laid, source de tous les problèmes : « Le beau respecte, le beau pacifie, le beau rapporte, plus c’est moche moins on vote, plus c’est moche moins on étudie, plus c’est moche moins on bosse. La beauté et l’urbanité font bon ménage avec la société, ils font société. »

 

Qu’est ce que le beau ?

La chose la mieux partagée du monde : « Il existe des invariants du rapport des habitants à l’espace, notamment sur la question du beau (…) tout le monde a un bon sens urbain et architectural. Nous sommes tous urbanistes comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.»

Il n’est pas difficile de transformer le laid en beau, c’est le mouvement même de l’histoire : « Dans l’histoire des villes, c’est en général à partir des lieux les plus laids que se sont construites les plus belles choses (la place de la Concorde par exemple). »

En résolvant le problème de la beauté on résout en même temps celui de l’attractivité : « L’attractivité de Paris c’est sa beauté.»

Tout le monde ayant le sens du beau et de la forme urbaine, les règles trop contraignantes doivent être assouplies : « Il faut mettre du mou dans l’application de la loi et encourager l’innovation. Les hygiénistes et les bureaucrates ne doivent pas l’emporter. La seule question que posent les zones pavillonnaires, ce n’est pas leur uniformité de toiture, mais la délimitation de l’espace public. Elles deviennent de plus en plus des maisons particulières. Les barrières et les limites de l’espace public et de l’espace privé sont les seuls éléments qui doivent être soumis au permis de construire. Ce qui est vraiment vu et senti par tous, c’est la limite. »

Pour juger du beau on doit faire confiance aux citoyens, aux poètes : « Pour fabriquer ce Paris en grand, il faut prendre tous les citoyens as an artist. »

 

Qui conseille ?

Pas de noms mais un nouveau professionnel reste à inventer : « Le personnage indispensable à toute pensée projectuelle sur la ville est à inventer. C’est le scénariste urbain (…) il va agir comme un sculpteur de la ville, un modeleur de la ville.»

Si ce scénariste urbain doit un jour advenir il sera mis devant le fait accompli de tout ce qui est déjà lancé. Il n’est pas certain que la beauté consensuelle qu’il serait là pour orchestrer, soit suffisante pour répondre aux défis à relever, et au premier d’entre eux sans doute, le logement. Sur ce sujet d’autres voix peuvent être entendues qui, loin des a priori esthétiques, plaident pour une efficacité redoublée : « le logement collectif pourrait se référer à un modèle ordinaire éprouvé et toujours performant, celui produit par le style international (…) il ne le fait pas. On préfère assigner aux logements des buts flous qui s’éloignent des préoccupations pragmatiques de l’ordinaire : ils doivent retrouver l’âme de nos villes et conforter nos identités dolentes en se référant à des images angéliques de pratiques sociales. »  Dominique Lyon, AA juin 1997. 

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INFORMATIONS

Article sur la base d'extraits du rapport de la mission confiée par M. le Président de la République à M. Roland Castro, 139 pages A4, non paginé, 2018.

 

Encadré dans  l'Article " L’art du chantier, construire et démolir du XVIe au XXIe siècle " dans la Lettre N°11 de Mars 2019 

 

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