COULEURS DES FAÇADES

CODES, PROGRAMMES, APPLATS, MODÉNATURES, ÉCLAIRAGE

« L’architecte ne peut compter que sur lui-même pour organiser un espace. Il faut que chaque œuvre réalisée soit en elle-même une composition terminée.

Celui qui prend la suite le fera dans le même esprit. Prévoir une ville ou un quartier de ville, ne peut se faire seulement en plan : il faut savoir imaginer les architectures dans les moindres détails.

On oublie trop souvent qu’une vision est à trois dimensions. Qu’une vision est un tout et qu’elle s’exprime simultanément en plan, en façades, et en coupe. Qu’elle s’exprime aussi en matériaux et en couleurs. »

Fernand Pouillon, Mémoires d’un architecte, 1968

 

 

Codes couleur/couleur programme

Les codes couleur, les « couleurs programmes » sont de plus en plus présentes dans les choix de coloration. Les couleurs possèdent toutes un contenu symbolique qui est repris et sert de référence dans les argumentaires des chartes couleur :

« Dans l’architecture industrielle et commerciale, la couleur doit jouer son rôle habituel esthétique : minoration de l’impact visuel dans le paysage, intégration de la construction dans son site naturel ou bâti, (...).

 Mais bien au-delà̀ de ce rôle fonctionnel immédiat, la couleur a un rôle d’information, d’orientation, voire de prévention, grâce à une codification des couleurs en fonction du type de messages à faire passer (...). La couleur acquiert une nouvelle dimension informative, signalétique, codifiée et normée, rationnelle et sécuritaire. » Bureau d’étude A3DC

 

À titre d’exemple, le vert et le bleu sont de plus en plus utilisés parce que ces couleurs sont censées transmettre au mieux les valeurs de l’écologie, du durable :

« Le projet ayant été́ conçu dans une démarche de haute qualité́ environnementale, la gamme des verts végétaux et des bleus grisés aquatiques est le registre des couleurs traduisant le mieux cette revendication naturellement écologique. »

(Exemple d’argumentaire développé pour une zone d’activité́).

Ces raisonnements et ces choix sont menés de façon abstraite : on parle de revendication avant de parler de contexte. Quand ces codes-couleur sont appliqués sur des bâtiments eux-mêmes standardisés, on comprend que les paysages deviennent interchangeables à force de généralisation des mêmes concepts, formes, couleurs.

 

Des aplats de couleurs à la couleur d’ensemble

Il y a une façon de mettre de la couleur... sans en mettre vraiment : c’est de faire de petits aplats colorés sur des portions minimes de façades. Cette pratique est une poursuite en extérieur de la culture du tableau isolé sur un mur, renvoyant à l’histoire des arts décoratifs et à tous les dispositifs inventés pour animer les surfaces verticales, y créer des points d’intérêt s’ajoutant aux ouvertures. (1)

Ces petites surfaces monochromes ne changent pas grand-chose à la couleur générale du bâtiment.

Elles y ajoutent seulement une ou plusieurs tâches colorées, comme une signature. Elles s’inscrivent dans une tradition, la prolongent, celle du mouvement moderne qui dans ses écrits théoriques, son déploiement, a démontré un goût majoritaire et obsessionnel pour le blanc, pour une esthétique dépouillée de tout ornement. Cette pratique peut se regarder aussi comme une tentative de contourner la grande majorité́ des règlements locaux qui imposent une gamme neutre allant du blanc au noir en passant par toutes les nuances de gris et de ton pierre.

Des règles qui fondent leur argumentaire sur la nécessité́ de s’inscrire dans la gamme existante sans la remettre en cause.

 

De multiples exemples montrent pourtant comment cette identité́ peut évoluer à grande échelle, soit par transformation radicale du bâti et de ses matériaux, soit après adoption de nouvelles règles (voire même suite à un grand nettoyage...). (2). Sans attendre des changements forcément longs à venir parce que culturels, les aplats ponctuels sont une liberté́ intéressante, un échantillonnage pouvant être réfléchi en vue d’un projet plus vaste.

Des images plus élaborées, figuratives ou non, très colorées ou pas, resteront quand à elles des solutions éprouvées pour animer les façades, les lier à la culture du moment, faisant vivre la tradition des vastes compositions unitaires englobant toutes les surfaces disponibles. Solutions plus complexes, de plus en plus mises en œuvre sur des façades aveugles, et qui dépassent largement la simple problématique de la couleur.

 

Modénature : bandeau, bordures  cadre, nervures

Pour des raisons multiples (fonctionnelles ou seulement décoratives), des lignes, des bandes viennent très souvent diviser les différentes parties d’un bâtiment : ce sont les bandeaux que l’on trouve en pied, en partie haute, sur les côtés des façades, et qui assurent des transitions avec le sol, le toit ou tout autre élément adjacent. Ce sont toutes les bandes et nervures qui redivisent les façades. Ce sont les encadrements des portes et fenêtres. Les exemples peuvent être multipliés dans tous les types d’architectures et à toutes époques. Ces lignes sont des occasions de changement de couleurs, de matières, parfois les deux à la fois, soulignant le dessin d’ensemble ou faisant office parfois de trompe-l’œil. Pour ce qui concerne les encadrements, ils ont la même fonction esthétique que le cadre du tableau, assurer une transition entre des surfaces de couleurs différentes. En même temps, ils renforcent la composition d’ensemble, le découpage et l’animation des façades.

 

Et la nuit : couleurs de la nuit ? 

Les couleurs de la nuit sont beaucoup plus simples à gérer que celles du jour. Ainsi, il est facile de laisser de coté tout ce qui ne mérite pas de mise en valeur, le choix des zones éclairées peut être modifié facilement ainsi que leur couleur, et les effets du temps couvert ou très ensoleillé ne se font plus sentir. Les contre- jours, les reflets disparaissent et ne reste qu’une grande masse sombre de laquelle émergent les zones éclairées avec l’intensité exacte souhaitée. Les choix techniques sont infinis et on peut même imiter la lumière des becs de gaz ou des lanternes anciennes. Cette facilité, ces possibilités illimitées sont le prin- cipal risque dans un projet de mise en lumière. S’il a une certaine envergure, le recours à un bureau d’études spécialisé est le seul bon conseil pouvant être donné.

 

 

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INFORMATIONS

Article par Bertrand Deladerrière ,  Equipe CAUE77

Retrouvez l'intégralité de la Lettre du CAUE77 N°12 (juin 2019 ) sur la couleur

 

Retrouvez par thèmes :

 

#Couleurs du 77, du paysage au bâti 

> La couleur-matière , le blanc et le ton "pierre"

> #noir #gris

#couleurs #Vert #rouge #jaune #orange

 

En centre ville, la couleur et le soin apporté aux vitrines sont des éléments majeurs de la qualité d’ambiance des rues commerçantes, en même temps que le confort des sols, la signalétique, le mobilier, l’éclairage. Les efforts faits en matière de rénovation des façades doivent être acoompagnés d’efforts équivalents sur ce qui se voit le plus, à hauteur de regard, les rez-de-chaussée.

 

 

Un très subtil dégradé́ de couleurs sert de transition entre la base sombre du bâtiment et le ciel plus clair. La ligne blanche en sommet de façade, beaucoup plus claire que le ciel, souligne la masse du bâtiment sans chercher à l’estomper (zone d’activité́ de Saint-Fargeau-Ponthierry).

 

 

Notes

(1) Rapidement parcourue, cette histoire va de Lascaux, des peintures murales, des fresques remplissant tout l’espace, jusqu’aux toiles très écartées les unes des autres sur fond blanc que l’on voit aujourd’hui dans la plupart des lieux d’exposition publics ou privés.

Entre-temps il y a eu les XVIIIe et XIXe siècle avec leurs toiles disposées cadre contre cadre sur toute la hauteur des pièces (quitte à ce qu’on ne puisse rien voir de leurs détails...), les églises du Moyen Âge où toutes les surfaces étaient peintes y compris les parties sculptées, les vitraux, etc.

 

(2) A Clermont-Ferrand (et dans d’autres villes d’Auvergne), le bâti était entièrement noir, non pas à cause de la fumée comme à Paris, mais à cause de la pierre locale. Il s’est progressivement débarrassé de cette teinte dans ses extensions. Le noir ne subsistera à terme que dans l’hyper centre autour de la cathédrale et pour quelques immeubles de plus en plus isolés dans les faubourgs. La pierre, bien que locale, n’a pas continué d’imposer sa teinte dès lors qu’on pouvait trouver plus gai...

 

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