Aménagements urbains, solutions architecturales, voiries
Depuis toujours la ville, quelles que soient les latitudes, les époques, a été pensée, construite en tenant compte de données climatiques et des risques qui leur sont associés. Vent, pluie, soleil, neige, inondations, incendies, coulées de boues, etc. Tous ces facteurs ont influencé la localisation, l’organisation des villes, la forme des architectures. La créativité n’a jamais cessé, pour rendre de plus en plus confortable la vie urbaine quelles que soient les contraintes. Durant les cinquante dernières années, elle l’a fait en « explosant » la ville avec la trilogie maison individuelle/ voiture/centre commercial. Trois espaces reliés entre eux par la climatisation. L’amélioration du confort de la voiture, des infrastructures a accompagné, encouragé cette évolution et la conduite automatique ne peut que renforcer la tendance. Une histoire totalement inverse de ce que de nombreux auteurs de science-fiction avaient imaginée, des villes sous bulle où un climat régulé faisait oublier toutes les formes d’intempéries. Au lieu d’une ville compacte, à l’abri de (presque) tout, c’est une ville dilatée et inconfortable dans son fonctionnement, qui a conquis les territoires ruraux.
Pendant ce temps, que devenait la ville traditionnelle ? son centre historique a été en partie déserté. Le confort s’y est dégradé de façon inversement proportionnelle aux extensions périphériques. Dégradation de la qualité de l’air, du climat avec des îlots de chaleur qui s’étendent. Dégradation du bâti du fait de son âge et son inadaptation aux nouvelles exigences (absence d’ascenseur, mauvaise isolation, manque de luminosité, mauvais agencement des appartements, etc.). Faible renouvellement du bâti et difficulté à le faire. Perte des commerces de proximité, des services, des facilités de stationnement. Enfin, absence de motivation : au fil des années, les dégradations se sont ajoutées les unes aux autres sans prise de conscience du niveau d’inconfort atteint. Une ville ne peut redevenir agréable à vivre par hasard, résulter de la simple résolution de contraintes techniques. Les compétences ont été mobilisées ailleurs, en priorité sur les infrastructures, l’assainissement, les équipements, le stationnement, la gestion des droits à construire, etc. Tout cela au détriment de ce que l’habitant, le piéton voit, ressent : la ville des mauvaises odeurs, fatigante, bruyante, dangereuse, chaude, monotone, hostile. En un mot inconfortable.
Aujourd’hui, les discours convergent pour promouvoir des villes plus compactes, où les circulations douces doivent absorber la baisse de trafic automobile souhaitée. Les ressentis négatifs doivent donc y être réglés pour donner une pérennité aux investissements consentis. Rendre confortables, accueillants les centres-villes au-delà des questions de circulation et d’animation commerciale devient un objectif mettant en jeu la pérennité même de ces centres. Non pas que la friche les guette mais plutôt la relégation en situation marginale vis-à-vis des centralités émergentes en périphérie.
Il y a longtemps que le climat urbain est un sujet d’études, mais l’importance prise dans le débat par le réchauffement climatique accentue le sentiment d’urgence sur le sujet, la nécessité d’évaluer les risques, de proposer et tester des esquisses de solutions. Que sait-on ? Quelles sont les mécanismes en jeu ? Sur quoi faut-il travailler en priorité dans les domaines de l’urbanisme, de l’architecture, du paysage, pour tenter de répondre aux demandes de plus en plus exprimées de confort climatique aux différentes échelles, du quartier, de la rue, de chaque bâtiment. Une certitude : pour réduire l’inconfort des microclimats urbains, lié à des phénomènes de réchauffement, d’accumulation de poussières, etc., il faut faire baisser les températures dans les zones les plus denses. Cette recherche doit se faire à tous niveaux et en premier lieu dans les grands choix d’occupation du sol (pourcentage et localisation des zones bâties, des surfaces cultivées, en eau, en forêts, etc.). Un niveau indispensable où les sciences géographiques et environnementales tiennent une place majeure, mais qui ne seront pas évoquées ici.
Les choix en matière de voirie sont décisifs pour les options de déplacements, la mise en place de continuités vertes, les écoulements d’air. La forme des rues, leur profil, leur équipement n’a pas cessé d’évoluer dans l’histoire. La dernière période a été celle du tout automobile. Une autre s’ouvre avec l’accroissement des déplacements doux, la remise en cause des surfaces attribuées au stationnement, la lutte contre tous les types de pollution. Quelques constats à l’échelle nationale concernant l’héritage. Le plus évident d’abord : le confort du piéton est toujours passé au second plan par rapport à l’automobiliste, y compris pour les voiries pensées beaucoup trop larges par rapport aux nécessités de trafic (et alors qu’aucune évolution à moyen ou long terme ne justifiait de telles largeurs). Les plantations d’accompagnement n’ont jamais vraiment été conçues. Le patrimoine d’alignement a résulté le plus souvent d’habitudes, de copier-coller sans tenir compte des contextes traversés, des caractéristiques du sol, etc. Les voiries qui permettraient des plantations, mais n’en ont pas, sont majoritaires. Pour ce qui concerne ces plantations, elles ont été réalisées en majorité sans recours à des professionnels, et donc avec beaucoup d’approximation dans les choix d’essences par rapport aux multiples objectifs poursuivis. Ces objectifs sont restés lacunaires, avec une priorité donnée à l’esthétique qui se résume à quelques mots : « paysagement », « embellissement ». Le climat, la facilité de gestion, la durabilité, la vigilance sanitaire ont été totalement laissés de coté. Concernant les risques sanitaires, on a pu voir des quartiers, des villes plantées avec une seule ou deux essences, oubliant comment la maladie de l’orme, du platane, etc., a décimé des régions entières.
Porto, casa de serralves, l'entrée du musée, architecte Alvaro Siza. Lettre du CAUE77 N°13
Le vocabulaire architectural est fait de mots racontant toutes les solutions inventées au fil du temps pour répondre à différents objectifs. En matière de protection vis-à-vis des intempéries, de confort climatique, on peut en citer quelques-unes qui ont conservé à travers les siècles tout leur sens : galerie couverte, avancée, colonnade, portique, débord de toit, etc. D’autres sont plus récentes, «porte-à-faux »(*) par exemple. En combinant ces mots on peut raconter toute la richesse des dispositifs architecturaux permettant de se protéger. Se protéger de quoi ? où ? Les situations sont innombrables : quand on longe un bâtiment, une façade, quand on attend avant d’entrer, pour diviser une cour ou en faire le tour, pour traverser un espace ouvert, etc. Ces formes peuvent être articulées entre elles, créer des continuités à l’échelle d’un ensemble bâti, d’un quartier. De quoi faire rêver n’importe quel piéton... Peut-être le prix à payer pour que la marche à pied en ville redevienne un plaisir. Est-ce si cher ? Rien en comparaison de tout ce qui aura été dépensé pour l’automobile en un siècle. La période qui va des années 20 aux années 60 est particulièrement riche de formes architecturales et urbaines destinées à améliorer ce confort du piéton. Un souci qui encourage une inventivité inégalée jusqu’alors : galeries couvertes entre bâtiments ou longeant les rez-de-chaussée, immeubles de logement sur pilotis libérant le sol au profit d’espaces publics abrités, patios intérieurs avec promenades périphériques abritées, immeubles ponts enjambant des rues et formant abri vis-à-vis du vent, etc. Des formes largement reprises dans les programmes publics ou privés.
Dans les villes de la reconstruction (Le Havre, Royan, etc.), on peut apprécier la richesse et la variété de ces dispositifs architecturaux. Ces recherches, cette générosité s’épuise à partir des années 70, en particulier dans les programmes de logement, pour se concentrer dans les zones commerciales, petits centres de quartier ou grandes surfaces en périphérie commençant à se multiplier. Là se développe une architecture essentiellement métallique permettant la mise à l’abri de tous les espaces piétons mis à part les cheminements depuis les parkings. Un abri qui fait partie de l’attractivité, comme le stationnement gratuit. La concurrence entre centres commerciaux s’exacerbant, le souci de confort s’y développe. Les derniers aménagements du centre commercial carrefour de Dammarie-les-Lys en donne un bel exemple : des allées couvertes bordées de larges bandes plantées viennent d’y être créées, pour améliorer le confort et l’agrément des circulations piétonnes depuis les parkings vers le centre. Partout en France, différentes solutions de couverture se multiplient au profit des piétons ou des voitures, avec notamment la mise en place de panneaux solaires. En faisant l’inventaire de quelques progrès réalisés dans ces espaces commerciaux on prend facilement conscience des améliorations possibles dans tous types de quartiers. Mais le constat est médiocre pour la ville historique, restée figée dans sa forme et n’offrant que l’abri des rues à arcade ou des passages couverts légués par l’histoire. Les seuls espaces abrités qui s’y créent sont, comme en périphérie, ceux des centres commerciaux privés. (*) L’expression fait référence à une performance technique, une forme architecturale, et en même temps à une fonction d’abri « éternelle » (les abris sous falaises longt emps ha bitées par l’homme...). Une installation est dite en porte-à-faux lorsqu’un élément est soutenu par une partie qui est elle-même au-dessus du vide, c’est-à-dire sans support immédiat en dessous de l’élément en « porte-à-faux ».
Les maisons individuelles sont un répertoire infini de tous les types de protections vis-à-vis du vent, du soleil, de la pluie, permettant de dessiner avec finesse la relation intérieur/extérieur. Des objectifs et contraintes qui assurent la diversité des façades.
Après les bâtiments à énergie positive, on parle de biodiversité positive. Les bâtiments qui s’y rattachent ambitionnent de faire de l’architecture, un art conjuguant matériaux inertes et vivants. L’objectif est de créer de la biodiversité à partir du bâti « il s’agit de mettre en oeuvre des supports et des habitats pouvant aller jusqu’à la constitution d‘écosystèmes complets. Il s’agit de créer une biodiversité supérieure à celle préexistant sur le site » (Marc Benard, revue AMC, février 2008). On peut alors souhaiter voir apparaître la notion de confort positif intégrant l’humain dans le bilan, où le confort est amélioré dans toutes ses composantes, accessibilité, protection contre les intempéries, qualité de l’air et microclimat local compris. Une notion peut-être prioritaire ? Dans de nombreux cas, les bâtiments sur pilotis se révèlent être une bonne réponse : adaptation parfaite dans les secteurs inondables, création d’espaces abrités permanents dans les zones denses pour des usages variés (aires de jeu, circulations douces, stationnement, etc.), surfaces de plantation augmentées, mouvements d’air accentués, etc. Multiplier les bâtiments sur pilotis, c’est prendre le contre-pied de l’urbanisme de dalle des années 70 où la continuité du sol naturel a été abolie au profit d’un niveau artificiel s’y superposant. Les problèmes de liaison entre ces deux niveaux compliqueront encore longtemps les cheminements de tous types dans ces opérations, et donc la vie de tous leurs habitants, à mobilité réduite ou pas.
Grand arbre, repère monumental dans la ville.
Pour les objectifs paysagers le nombre importe moins que l’emplacement, l’envergure possible à long terme.
Lettre du CAUE77 N°13
Dans les projets de rénovation, l’architecture industrielle avec charpente métallique a souvent permis de créer des espaces abrités généreux, en transition avec l’espace public. Lettre du CAUE77 N°13
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