« En architecture, la couleur affirme une perspective, délimite un espace, en agrandit un autre ou le rétrécit. Un long couloir paraît plus court si on applique une couleur foncée et saturée sur le mur du fond. »
Amandine Gallienne, Les 100 mots de la couleur
Dans le paysage, le vert est avant tout la couleur du végétal, de la vie qui revient chaque printemps et dure une saison. C’est aussi le vert permanent, presque immuable, des végétaux persistants, résistant à l’hiver, symboles de la victoire sur la mort. Le gui sur le chênes, les ifs, les cyprès des cimetières en sont l’expression.
Le vert des bâtiments, assez rare, est avant tout celui des hangars agricoles ; il voudrait être une sorte de prolongement de ces verts végétaux, avec l’idée de se fondre dans le paysage, au moins une bonne moitié de l’année. Mais en hiver, le vert dominant n’est pas celui des prairies, arbres et forêts, mais des haies de thuyas, alignements de résineux, cèdres, sapins de Noël replantés, et tout ce que les parcs et jardins peuvent compter de persistants.
Le vert des bâtiments n’est plus alors une couleur « d’intégration » mais plutôt d’accompagnement de ce vert péri urbain en expansion constante. Une expansion accélérée dans toutes les zones pavillonnaires, industrielles, logistiques, depuis l’après-guerre. Une évolution symbolique apparaît alors : le vert qui masque, camoufle, et parfois encombre, raconte de plus en plus la ville, sa « mauvaise conscience paysagère » et la mise en œuvre d’idées, de politiques environnementales.
D’une certaine manière ce n’est plus un choix de coloration : le vert devient un code, à la façon du rouge devenu synonyme de danger, d’interdit, etc. Code lentement mais très sûrement acquis sur la longue durée, qui transforme, oriente le regard, le jugement. Comment ralentir, empêcher une lecture des éléments du cadre de vie toujours plus codifiée ? en évitant d’utiliser le vert pour des raisons qui ne sont pas les bonnes, comme camouflage par exemple. Les hangars agricoles entre autres n’ont pas besoin de prolonger le vert des prairies ou des jardins proches ; ils doivent au contraire trouver de bons arguments pour se montrer. Leur utilité, dimension, fréquence dans le paysage doit en faire des architectures assumées plutôt que des volumes soi-disant « intégrés ».
Et qu’on laisse le vert s’installer seul, là où il choisit de le faire, c’est-à-dire partout où on sait stopper les entretiens, les traitements inutiles. Alors le vert-mousse, le vert-lierre continueront d’être vus, empêcheront la codification banalisante de gagner. Garder la peinture verte pour tous les éléments qui ne renvoient à aucune idée « d’intégration ». Pour cela, toutes les nuances sont utiles, vert émeraude, vert olive, vert sapin, vert Véronèse, etc.
Le rouge des coquelicots, des crêtes de coq, des cerises, des fraises, des braises, des briques mais aussi des camions de pompiers, de nombreux panneaux d’interdiction : une couleur qui se voit de loin. Une couleur dont on se rappelle, qui marque, ce dont attestent les maisons rouges ayant donné le nom à de très nombreux lieux-dits dont certains remontent à l’époque romaine. Alors, pourquoi si peu de rouge dans le bâti ? comme si on avait oublié les enduits fortement dosés en argile rouge, en brique pilée. Une crainte d’attirer l’attention ? d’utiliser la couleur du danger et de l’interdit ? d’être fatigué par une couleur trop présente, obsédante jusqu’à énerver et pas seulement les taureaux ? Ce serait oublier l’étendue de la gamme des rouges, des plus écarlates jusqu’aux plus rabattus. Des rouges qui gagnent en profondeur après mélange avec des verts, des ocres, des marron. Une façon de les « calmer » jusqu’à les faire passer pour des terres.
Deux autres directions possibles, les violets, par mélange avec les bleus, les orangés par mélange avec les jaunes. Le jaune du soleil, des étendues de blé, de colza, d’innombrables floraisons. Seule l’habitude, le manque d’imagination empêche les rues d’en être éclairées, de toutes les nuances de jaune, les « froides » et les « chaudes », les claires et les sombres. Et le rouge pour les toits, évidemment, mais aussi pour les façades comme cela a été le cas dans l’histoire longue des paysages. De nombreux hangars agricoles en sont le rappel et en perpétuent la présence. D’ailleurs, qu’est-ce qui met le mieux en valeur des étendues de vert si ce n’est une touche de rouge ?
Article par Bertrand Deladerrière , Equipe CAUE77
Retrouvez l'intégralité de la Lettre du CAUE77 N°12 (juin 2019 ) sur la couleur
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La couleur verte s’invite facilement, il suffit de la laisser monter sur les murs. Autant de surfaces en moins à peindre avec des « couleurs programme » et une écologie faisant coïncider apparence et réalité.
"Le vert n’est plus un élément de protection et de séparation entre les bâtiments et les différentes activités, comme dans la ville moderne. Le vert n’est plus un élément éducatif, comme dans le parc du XIXe siècle. Le vert n’est plus un élément de production en complément de salaire, comme dans le potager de la maison ouvrière. Le vert n’est plus quelque chose à protéger, comme pour le moderne. Le vert ne représente plus la nature vierge ou sauvage qui reprend possession des faubourgs. Le vert n’est plus naturel, mais un produit des récentes technologies transgéniques qui font qu’un pré peut être de couleur toujours verte, ou toujours plus verte, et que l’herbe n’a pas besoin d’être coupée trop souvent, vu la lenteur de sa croissance. "
Mirko Zardini, 2001
Les hangars agricoles peuvent être colorés d’une façon plus soutenue que les traditionnelles solutions blanches, crème ou grises.
Un rouge fait ressortir par contraste la masse des verts, du violet sombre s’accorde très bien avec la couleur brune des terres en hiver et avec le jaune des blés et du colza en fleur, etc.
Les exemples que l’on rencontre au hasard des routes sont une source d’inspiration plus fiable que toutes les visualisations informatiques. Le choix mérite d’être réfléchi en tenant compte de la perception depuis les principaux axes routiers, l’habitat proche et en fonction du fond sur lequel se détache les bâtiments (bâti, écran végétal, ciel, etc.).